LES RESSOURCES FORETIERES DU SENEGAL : Entre protection, Aménagement et Agressions

LES RESSOURCES FORETIERES DU SENEGAL : Entre protection, Aménagement et Agressions

26 janvier 2017 263 Par Ibrahima SENE

Le secteur forestier est placé depuis 1993 sous la tutelle du Ministère de l’Environnement, qui comprend outre la Direction des Eaux, Forêts et de la Conservation des Sols (DEFCCS), la Direction des Parcs Nationaux (DPN) et la Direction de l’Environnement et des Etablissements Classés (DEEC). La DEFCCS exerce les prérogatives de l’Etat dans les domaines de la foresterie, de la conservation des eaux et des sols, de la gestion de la faune et de la pêche continentale.

La mission du Service Forestier, telle que l’a précisé le Plan d’Action Forestier du Sénégal, vise essentiellement, d’une part la conservation du potentiel forestier et des équilibres socio-écologiques, et d’autre part la satisfaction des besoins des populations en bois et produits et services non ligneux.

Dans le souci d’assurer une gestion rationnelle de ressources forestières, le gouvernement du Sénégal s’est engagé, en plus d’assurer la protection des forêts classées, de procéder à un aménagement de certains massifs forestiers. Ainsi, dans la région de Kolda qui compte 14 forêts classées couvrant une superficie de 280 290 hectares, l’Etat a procédé à un aménagement de 11 autres forêts.

Cette même politique de protection et d’aménagement est aussi mise en œuvre dans la région de Ziguinchor qui totalise 30 forêts classées. Parmi ces 30 forêts, 6 sont des forêts communales et ont fait l’objet d’un plan d’aménagement. Dans cette région de l’ancienne verte Casamance qui commence à perdre, petit à petit, sa verdure, 6 forêts classées et une forêt communale ont bénéficié d’un plan aménagement. Cet aménagement consiste à découper les forêts aménagées en blocs, lesquels sont subdivisés en parcelles. Le but visé à travers cette politique d’aménagement est de permettre à la population de tirer des bénéfices de l’exploitation de la forêt sans compromettre son capital. Ce, grâce à une exploitation qui se fait de façon rotative, dont le rythme est conforme à la capacité de régénération des espèces coupées. Puisque le système de rotation mis en place, aussi bien dans les forêts de la région de Kolda, que dans celle de Ziguinchor, s’appuie sur des techniques de coupe.

Et du constat du Colonel Djimangua Diédhiou, inspecteur régional des Eaux et forêts de Ziguinchor, l’expérience a montré que l’aménagement met les forêts à l’abri des coupes abusives de bois et des feux de brousse. Cependant, force est de constater que l’option du gouvernement consistant à aménager ses forêts, en vue d’assurer une gestion rationnelle des ressources naturelle, tout en préservant l’environnement, est mise à rude épreuve par le business du bois.

Ainsi, quotidiennement plusieurs dizaines, voire centaines d’arbres sont nuitamment coupées sans aucune autorisation. Et d’après plusieurs témoignages recueillis sur le terrain, dans les zones de coupe, une quantité importante de bois traverse régulièrement-et de façon frauduleuse – les poreuses frontières sénégalaises, pour atterrir tranquillement en terroir gambien.

Une fois en Gambie, ce bois sénégalais acquiert, à travers la «magie de vrais faux certificats d’origine», la «nationalité gambienne». Par la suite, ce bois très prisé au niveau du continent asiatique, s’envole en direction de la Chine. Dans ce business du bois qui contribue largement au recul des formations forestières en Casamance, nous a soufflé une source, «c’est seul l’Etat gambien qui encaisse des taxes, tire des bénéfices. Quant au trésor public Sénégal, il n’encaisse que zéro franc CFA, dans ce commerce du bois d’origine sénégalaise».

Ainsi, le cumul des arrestations au niveau des deux régions de personnes qui s’adonnent à la coupe et au commerce illicite du bois se chiffre à plus 297 en l’espace de 6 mois dans les régions de Kolda et Ziguinchor. En plus de ces arrestations, les services des Eaux et forêts immobilisent des dizaines de camions et engins roulants qui sert de transport ou à l’abattage clandestin d’arbres. S’agissant des charrettes saisies, les statistiques font état d’un cumul, au niveau des deux régions, de plus 422 matériels hypo roulants et leurs ânes et chevaux.

Face à cette situation qui accélère le recul des formations forestières en basse Casamance, le Colonel Aly Seck a invité les populations à s’impliquer dans la lutte contre le commerce illicite du bois. «A l’image de la lutte contre le terrorisme, il faut une implication des populations dans la lutte contre la coupe abusive du bois», a recommandé le Colonel des Eaux et forêts qui espèrent ainsi contrecarrer les bandes de pilleurs des ressources naturelles.