Quels leviers pour réduire le coût de la vie ? La recette d’un économiste Pr Abdoulaye DIAGNE

Quels leviers pour réduire le coût de la vie ? La recette d’un économiste Pr Abdoulaye DIAGNE

27 avril 2024 18 Par Ibrahima SENE

Dans un entretien accordé au journal Le Soleil, Pr Abdoulaye Diagne, à la tête du Consortium pour la recherche économique et sociale (CRES), aborde l’une des questions brûlantes de l’heure relative au coût de la vie.

L’économiste indique que le nouveau régime dispose de différents leviers pour agir. Pour la méthode à utiliser, il exclut d’emblée la baisse des prix.

Il explique : « Je sais que ce n’est pas très populaire de le dire, mais baisser les prix, si c’est cela qui permettrait à une population de retrouver un pouvoir d’achat qui était en baisse, on l’aurait su depuis longtemps. Je n’ai jamais vu d’ailleurs un manuel d’économie prônant ce genre de pratique. »

Diagne d’ajouter : « Derrière le prix d’un bien ou service, vous avez des agents économiques qui ont contribué à sa production. Donc, si vous baissez le prix, vous baissez leurs revenus. Si ce sont des travailleurs, leurs revenus diminuent et donc leur pouvoir d’achat. Ils demanderont moins de biens et services. Si ce sont des détenteurs du capital, leur capacité à investir va baisser. C’est ainsi que vous installez l’économie dans une dépression. »

Prenant l’exemple du riz, le spécialiste souligne : « Aujourd’hui, si le kilo est à 400 F
CFA, on aurait bien aimé que l’on baisse son prix à 300 F CFA. C’est bon pour tous ces consommateurs urbains et ruraux qui dépendent du riz. Mais, que va-t-il advenir de tous ces riziculteurs dans la vallée du Fleuve Sénégal ou en Casamance? Ils seront obligés de diminuer le prix auquel ils vendent leur riz. Est-ce que leurs exploitations ne seraient pas en déficit ? Est-ce qu’ils seront en capacité d’investir davantage pour étendre les superficies emblavées en riz ? » Selon lui, la réponse est non.

Pis, enchaîne-t-il : « Ce ne sont pas seulement les riziculteurs sénégalais qui auront des problèmes économiques. Si vous baissez le prix du riz, vous baissez aussi celui du mil et du maïs, sinon les consommateurs leur préféreraient le riz devenu relativement moins cher, dépendamment des élasticités-prix croisées. Certains consommateurs vont rem-placer, au moins partiellement, les mil et d’autres aliments substituables par le riz. Très clairement, une telle politique serait une désincitation à la production locale de céréales. Et si vous diminuez la production locale, vous diminuez les revenus de ces producteurs. Et, ils vont acheter moins de biens, moins de services. C’est ainsi que s’installe la dépression économique. «

A la place, l’économiste préconise de « créer des emplois » dans la mesure où développe-t-il : « Dans un ménage à huit membres, en régle générale, vous n’avez qu’une personne qui apporte des revenus. Vaut mieux créer les conditions qui permettent à un deuxième membre de trouver un emploi que de faire baisser le prix du kilo de riz. Si ce
ménage, par exemple, consomme 50 kg de riz par mois, si vous baissez de 100 F CFA, le kilo de riz, cela lui fait une amélioration de son pouvoir d’achat de 5.000 F CFA»

Pour lui, il faut agir pour « qu’un deuxième membre du ménage puisse apporter un revenu de 50.000 voire 70.000 F CFA » afin d’améliorer le niveau de vie du ménage.